Profession : papa au foyer

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Date de publication

vendredi 01 avril, 2005

Signe que les moeurs évoluent, plusieurs pères enfilent désormais le tablier du meilleur papa du monde, arrosent le rôti d'une main et passent l'aspirateur de l'autre, tout en jetant un coup d'oeil à bébé qui gazouille dans son parc. Quand maman, c'est papa...

La fin de semaine, Sylvain Perreault revêt son costume de clown pour égayer les visages des enfants grâce à ses sculptures en ballons. Pendant la semaine cependant, c'est un rôle drôlement plus important qui l'attend. À 41 ans, il est papa au foyer de Charlotte, 3 ans, et de Félix, 6 ans. Sa conjointe étant présentement aux études, l'emploi particulier de Sylvain a scellé son sort. Comme sa profession de clown-magicien l'amène surtout à travailler le week-end, c'est à lui que revient la tâche de faire la popote et de s'occuper de la marmaille du lundi au vendredi. " Et quand je dois travailler durant la semaine, dit-il, je peux m'en tirer la plupart du temps en amenant ma petite fille avec moi. Quand je fais des contrats dans les garderies, par exemple... " La vie de clown a parfois ses avantages.

 

Les PAF sortent du placard!

Des pères au foyer, que les Français appellent PAF, on en retrouve de plus en plus. Difficile de trouver des statistiques pour le Québec, mais il y aurait en France quelque 10 000 hommes qui auraient quitté leur emploi pour élever leurs enfants. C'est que le portrait de la petite famille nucléaire parfaite est en voie de disparition. Le père pourvoyeur qui fait du 9 à 5, la mère au foyer coiffée comme Betty Crocker et les trois beaux enfants classés par ordre de grandeur sur la photo de famille, c'est bel et bien fini. Aujourd'hui, les rôles sociaux sont moins bien définis qu'autrefois. Et avec les divorces, les femmes qui prennent leur place sur le marché du travail et cette " renaissance " du père à laquelle nous assistons depuis quelques années, les conditions sont réunies pour que le modèle de la famille se métamorphose. Dans un tel contexte, il n'est pas étonnant que certains pères passent la cravate derrière l'épaule pour jouer les rois du foyer. Ils ne sont pas la norme et ne le seront probablement jamais, mais leur nombre est bel et bien en croissance.

 

Les pères prennent congé

Le Canada est l'un des pays où les pères demandent le plus souvent des congés parentaux lors de la naissance d'un enfant. Cette réalité est due en partie à un changement dans la législation fédérale. En décembre 2000, le projet de loi C-32 modifiait la Loi sur l'assurance-emploi. Désormais, la durée des congés payés pour les parents en emploi passait de 10 à 35 semaines. Mais qui plus est, ces congés pouvaient maintenant être partagés par les deux parents. Qu'est-ce que cela a changé? En 2000, soit avant le projet de loi C-32, seulement 3 % des pères demandaient des prestations parentales pour prendre soin de leur bébé naissant. Après le projet C-32, ce chiffre grimpait à 10 %! Aujourd'hui, il plafonne toutefois autour de 11 %. Si la situation au Canada est bien meilleure qu'ailleurs, il faut noter cependant que nous sommes encore très loin derrière la Norvège, où 80 % des pères prennent des congés parentaux...

 

C'est grâce au projet de loi C-32 que Jean-François Labelle, un papa au foyer de Granby, a pu demander un congé parental il y a environ un an et demi, lors de la naissance de son deuxième enfant. Il a en même temps découvert sa véritable vocation. " Au cours de ces six mois de congé parental, raconte-t-il, je me suis rendu compte que lorsque je pensais au travail, je faisais des cauchemars! J'étais alors directeur d'un organisme d'aide à l'intégration des immigrants, un job stressant avec un horaire chargé, où j'avais souvent des réunions le soir et des activités les fins de semaine. " Après son congé parental, Jean-François a donc pris la décision de devenir papa à temps plein. " J'avais peur des réactions de mon entourage, confie-t-il. La société n'est pas tout à fait adaptée ou aussi ouverte qu'on pourrait le croire. " Et pourtant, même ses proches les plus workaholics ont salué son choix, soutenant même que le rôle y allait à merveille!

 

Se réaliser en tant que père

Tout n'est pas rose dans la vie du papa à la maison. L'isolement, par exemple, n'est pas toujours facile à vivre. C'est en partie pour briser leur isolement que les reines du foyer des années 50 ont déclenché ce qui allait devenir le mouvement de libération de la femme. Briser l'isolement est-il un des grands défis du père au foyer moderne? " Oui, dit Jean-François Labelle. Nous sommes des êtres sociaux qui se réalisent le plus souvent par le travail. Mais le plus grand défi, quant à moi, c'est d'être capable de rester à la maison sans penser au travail. C'est, en fait, d'accepter que le travail domestique que je fais soit une réalisation en soi. " Après quelques mois en tant que papa à temps plein, Jean-François a néanmoins senti le besoin d'avoir des projets à lui. Même si sa priorité demeure ses enfants, il travaille aujourd'hui deux jours par semaine dans une télé communautaire, où il anime et produit une émission sur l'histoire de sa région.

 

Père monoparental

La famille monoparentale est un autre visage de la famille en métamorphose moderne. Aux États-Unis, il y a présentement 14 millions de parents qui élèvent seuls leurs enfants. Parmi ceux-ci, le nombre de pères monoparentaux est en hausse, se situant maintenant à 12 %.

 

Jean-François Parent est journaliste et père monoparental. Depuis 1997, il élève seul sa fille aujourd'hui âgée de 17 ans. La mère ne désirant plus s'occuper de l'enfant, il en a eu la garde complète alors qu'elle avait 9 ans. La décision de confier la fille à son père s'est donc faite d'un commun accord, sans ordonnance de la cour. " C'est moins courant de trouver des pères monoparentaux, dit Jean-François Parent. Parmi mes connaissances, je dirais que pour un gars dans ma situation, il y a cinq filles. "

 

Pendant ses premières années en tant que papa " solo ", Jean-François s'est heurté au système. " J'ai dû faire du défrichage, raconte-t-il. Quand ma fille est venue habiter avec moi à temps plein et que j'ai dû l'inscrire à l'école ou lui faire passer des examens médicaux, j'ai souvent vécu des situations plates. Par exemple, quand j'appelais à la clinique pour obtenir des résultats médicaux pour ma fille, on ne voulait pas me les donner : c'est la mère qui devait appeler. Au service de garde, on me demandait toujours si j'avais un papier de la cour... J'ai voulu obtenir de l'Aide sociale à un certain moment donné parce que je n'avais pas de job et une enfant à nourrir. Le gouvernement ne voulait pas parce que ça prenait une ordonnance de la cour pour qu'un père ait la garde de sa fille. " La société aurait-elle de la difficulté à considérer le père comme un parent à part entière? " Systématiquement, poursuit Jean-François, l'argument qu'on nous sert, implicitement ou explicitement, c'est qu'un père qui garde sa fille, ça ne se peut pas. "

 

Des ressources Internet

Pères au foyer ou pères monoparentaux, voilà deux nouveaux rôles à inventer. Heureusement, Internet vient à la rescousse pour aider les pères à s'y retrouver! Le site www.jeunepapa.com renferme tout ce qu'un papa doit savoir. Il y a même un forum de discussions où les jeunes pères peuvent discuter de leurs découvertes, de leurs angoisses et de leurs joies. Le site www.pereaufoyer.com, un site français, donne aussi accès à un forum où les pères partagent leurs trucs et leurs recettes... Des pères qui s'échangent leurs meilleurs trucs pour réussir un sucre à la crème, qui l'aurait crû?