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Anik RouthierVous arrive-t-il de vous poser des questions qui ne servent à rien ? Personnellement, cela m’amuse ! En voici une pour vous : « Si vous deviez déménager dans un autre pays, quel serait-il ? »
Pour ma part, l’idée d’un climat plus tropical me semble invitante, bien que la montagne m’attire aussi… Mais au-delà de considérations purement climatiques ou géographiques, la culture et les valeurs du nouveau pays d’accueil m’apparaîtraient comme des points essentiels à étudier, si je devais réellement déménager. C’est par hasard que j’ai découvert un pays dans lequel je me sentirais chez moi : la Suède.
C’est en me promenant, non pas chez IKEA, mais à la bibliothèque de mon quartier, que je suis tombée sur un bouquin qui avait pour sujet le lagom. Cette philosophie de vie suédoise m’a grandement interpelée. Elle se traduit à peu près ainsi : « ni trop, ni trop peu ». Trouver le juste équilibre est donc au centre de la manière de vivre des Suédois. Comment y arrivent-ils, et comment pourriez-vous vous en inspirer ? Voilà ce qu’aborde cet article.
La famille, une priorité, mais sans trop…
En Suède, les enfants ont leur place partout. Que ce soit au restaurant, dans les commerces… Ils sont toujours bienvenus. Le congé parental, d’ailleurs, prône l’équilibre entre l’implication de la mère et du père, puisque sur les 480 jours qui le composent (dont 390 jours à 80 % du salaire), 60 jours sont automatiquement attribuables à la mère, et tout autant au père. À ces 120 jours non transférables, les 360 restants peuvent être divisés au gré des envies
du couple. Soit dit en passant, les familles ont jusqu’à la 8e année de l’enfant pour se prévaloir de leur congé, ce qui permet beaucoup de latitude pour les projets familiaux. Bien que les mères soient encore celles qui se prévalent de la plus grande proportion du congé, ce programme parental invite tout de même à un équilibre plus juste.
Dans leur vision de l’éducation, les parents suédois se veulent présents pour leurs enfants, mais pas trop. Ainsi, il est perçu comme normal, et sain, de laisser l’enfant s’ennuyer. En effet, les parents suédois n’en font pas TROP pour leurs enfants, et ne jouent donc pas le rôle de « gentils organisateurs » disponibles 24 heures sur 24. L’équilibre constitue une balance entre la famille et les besoins personnels de chaque parent, mais aussi du couple.
Ne pas donner trop d’attention ni trop de jouets d’ailleurs, voilà donc des principes éducatifs qui prévalent et ont pour résultat des enfants éduqués en vertu de valeurs comme l’autonomie et la liberté.
Se nourrir à la suédoise
Les Suédois prônent aussi l’équilibre dans la nourriture. Les repas demeurent simples, sans prétention. D’ailleurs, l’art de recevoir suédois n’impose pas de pression, et il n’est pas rare que tous les convives participent au menu, apportant chacun un plat.
Les enfants apprécient particulièrement la tradition des « bonbons du samedi », car dans une optique de modération, c’est lors de cette journée que les enfants mangent leurs friandises. Nul besoin de vous dire que les confiseries sont bien achalandées ce jour-là ! Cela dit, une étude laisse croire que les adultes, à Stockholm, font partie des plus grands consommateurs de sucreries. Serait-ce parce qu’ils n’en ont pas assez eu durant leur enfance ? Peut-être devrait-il y avoir aussi la tradition du bonbon du mercredi… ?? Qu’importe, l’idée de la modération apparaît intéressante (mais personnellement, je préfère laisser à mes enfants le choix du moment pendant lequel ils souhaitent manger leurs petites douceurs, que je distribue au début de la semaine en quantité modérée).
Consommer sans exagérer
Pour les Suédois, le magasinage ne constitue pas une activité de loisirs, mais bien une manière de se procurer ce dont ils ont réellement besoin. D’ailleurs, la nécessité de porter des marques ou de mettre de l’avant ses possessions ne semble pas la norme.
Les maisons suédoises affichent donc un décor assez épuré. En outre, les Suédois aiment bien mélanger les styles et ne s’en font pas trop avec l’agencement parfait, dans la mesure où la maison est confortable, invitante et fonctionnelle.
Les Suédois effectuent aussi leurs choix vestimentaires en fonction du confort et de la bonne qualité des matériaux, préférant une garde-robe composée de peu de vêtements utiles et polyvalents, que de trop de vêtements que l’on ne porte qu’occasionnellement.
Lagom au travail
Les heures supplémentaires ? Très peu pour les Suédois, qui ont d’ailleurs la bonne habitude de prendre toutes leurs vacances, chaque année, plutôt que d’accumuler des journées qui finiront par être prises juste avant la retraite, ou carrément effacées de la banque de congés. La conciliation travail-famille est favorisée et les employeurs ne s’attendent pas à la disponibilité entière et totale de leur équipe, une fois la journée de boulot terminée. La pause-café, qui se nomme « Fika », est perçue comme un incontournable et permet aux employés de socialiser, tout en se détendant un peu.
Contact avec la nature et activité physique
En plus de savoir s’arrêter pour savourer un café, les Suédois apprécient particulièrement le contact avec la nature. Leur quotidien est donc parsemé de moments pour en profiter. Entre autres, la fin de semaine, il est fréquent d’aller marcher en forêt, de pêcher ou encore de se rendre à sa petite maison de campagne, un lieu sans prétention servant à se rapprocher de la nature, pour ceux qui habitent la ville.
Une fois sur place, nul besoin d’organiser une randonnée de huit heures et de parcourir des kilomètres de marche : les Suédois mènent une vie saine et active, mais n’en font pas trop quand il est question de sport non plus. Ils recherchent aussi le juste équilibre dans la pratique de leurs activités physiques, pour se maintenir heureux et en santé.
La version suédoise de votre vie
Évidemment, tous les Suédois ne sont pas comme je les ai dépeints précédemment, mais il n’en demeure pas moins que la notion d’équilibre teinte grandement la culture de ce pays. L’occasion semble intéressante de se pencher sur cet exemple pour observer l’équilibre de nos vies : l’équilibre quotidien, l’équilibre de nos semaines, de nos mois, de nos années… En effet, l’équilibre, on l’atteint parfois sur une plus longue période, en variant la teneur de nos journées ou de nos mois.
Si vous aviez à placer les éléments de votre vie sur une balance imaginaire, quels sont ceux qui ne vous paraîtraient pas en équilibre ? Votre travail par rapport à votre famille ? Votre famille par rapport à votre temps personnel ? Votre santé par rapport à vos mauvaises habitudes ? Votre couple par rapport à votre famille ? Vos moments de détente par rapport à vos obligations ? Vos dépenses par rapport à vos revenus ? Vos attentes par rapport à votre réalité ? Vos possessions actuelles par rapport à vos besoins réels ?
Le juste équilibre n’est pas simple à établir, et cette balance semble souvent se maintenir de manière bien précaire, le moindre imprévu ou changement pouvant la faire pencher. Chacun a sa balance personnelle, mais se conscientiser à l’équilibre de celle-ci et se poser, sur une base régulière, cette simple question « ma vie est-elle équilibrée ? » fera peut-être la différence. Comment trouver la réponse ? Je crois que l’équilibre se traduit probablement par une énergie et un sentiment de bien-être assez constants. La fatigue ou la mauvaise humeur, qu’elles soient ponctuelles ou plutôt chroniques, peuvent donc vous mettre la puce à l’oreille.
En outre, l’équilibre, c’est comme le vélo : il ne faut jamais cesser de pédaler pour le maintenir à sa juste place. Cela dit, pédaler n’a pas à être synonyme d’effort. Une balade agréable sur une piste cyclable verdoyante tient autant le vélo en équilibre qu’une course effrénée empêchant de profiter du paysage. Ainsi, chaque jour peut constituer une occasion de prendre des décisions simples et non coûteuses visant l’équilibre et le « juste assez ». Rapport qualité-prix, le « trop » ne vaut pas la peine, mais il est vrai qu’il est facile de se laisser avoir et d’accepter trop de tâches, d’acheter trop d’objets, de prendre trop de responsabilités, de travailler trop… Ou de sombrer vers le pas assez : pas assez de sommeil, de temps pour soi, de moments sans obligations…
Ainsi, prendre certaines décisions, et parfois même aller à l’encontre de son élan naturel d’en faire trop, semble nécessaire pour maintenir l’équilibre. Pourquoi ne pas choisir, par exemple :
- de recevoir ses amis sans faire le ménage avant ;
- de profiter d’une journée pyjama avec les enfants plutôt que de s’astreindre à faire une sortie ;
- de commander des plats au restaurant après une grosse journée de travail (ou de faire simplement réchauffer un petit plat congelé que vous avez cuisiné à l’avance) ;
- de prendre une journée de congé du boulot quand vous sentez que vous êtes sur le point d’être trop fatiguée (j’appelle cela des journées de maladies préventives, car elles empêchent d’être réellement malade !) ;
- de donner des objets plutôt que d’en accumuler, etc.
Lagom, équilibre et excès
Une vie lagom est un choix qui mène, généralement, vers la sérénité et l’ordre. Viser l’équilibre est une manière de se simplifier la vie et d’en profiter. Cela dit, pourquoi ne pas aussi accepter ses quelques excès, si bien sûr, ils nous procurent plus de bien que de mal ! À vous de vous imprégner de la philosophie suédoise pour faire les choix qui seront les plus sains pour vous.
Quelques suggestions de lectures inspirantes
Lagom (Le juste équilibre) : le nouvel art de vivre suédois, de Niki Brantmark
Le livre du lagom : l’art suédois du « ni trop, ni trop peu », d’Anne Thoumieux
En as-tu vraiment besoin ? de Pierre-Yves McSween
La magie du rangement, de Marie Kondo
L’art de la simplicité, de Dominique Loreau
Anik Routhier
Enseignante en Techniques d’Éducation à l’enfance