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Louise LabrecqueDire s’il vous plaît et merci; attendre son tour; se moucher plutôt que d’essuyer son nez sur sa manche; demander à l’autre un jouet au lieu de le lui enlever brusquement… Voilà autant d’exemples de comportements liés au processus complexe de socialisation.
Justin est un petit bonhomme de cinq ans qui fréquente la garderie de son quartier. Il en apprend des choses ! Il apprend surtout à se connaître par l’entremise des jeux, des ami(es) et des activités pédagogiques. En effet, la garderie est le terreau fertile de mille et un apprentissages et découvertes ayant pour but la socialisation. Et encore plus important : Justin apprend à se connaître lui-même.
Nous apprenons qui nous sommes et comment nous percevoir par un processus de communication interpersonnelle. Notre perception de nous-mêmes est le produit de la façon dont les autres nous voient. Pour le bébé, durant la première année, les pairs n’ont pas beaucoup d’importance. Vers un an, l’enfant est stimulé par la présence d’un autre enfant. L’action de l’autre peut servir de déclencheur à son action, mais on ne parle pas d’interaction véritable. À cet âge, le jeu est solitaire. Ensuite vient le jeu parallèle, jeu dans lequel l’enfant joue davantage à côté de l’autre qu’avec l’autre. Il est important de noter qu’à trois ou quatre ans, l’enfant est égocentrique, il ne joue pas réellement avec l’autre. Lorsque quelques enfants sont regroupés, les conflits sont fréquents, même sous la supervision d’un adulte. Pour développer une bonne estime de soi chez l’enfant, il faut faire preuve d’écoute active auprès de l’enfant en développement et l’aider, dès son plus jeune âge, à apprendre de façon graduelle, et selon ses capacités, en communiquant positivement avec ses pairs. La socialisation de l’enfant conditionne l’intégration harmonieuse du futur adulte à la société et il est important d’aider les parents à mettre en place différentes stratégies pour guider l’enfant.
En effet, se socialiser ne repose en rien sur un mécanisme spontané. Il faut de la volonté, des conseils aux parents et une certaine discipline. Aussi, la volonté de l’enfant doit être encouragée par une attitude chaleureuse de la part de ses parents et éducateurs. Lors de son premier jour à la garderie, par exemple, Justin comprend rapidement que ce lieu rempli de jouets et d’ami(es) est extrêmement riche en apprentissages. Ce qu’il comprend moins bien, c’est qu’il devra se conformer à des règles et obligations sociales. Justin aura besoin d’aide pour développer des habiletés sociales et nous devons tenir compte de son tempérament. Certains enfants sont effectivement plus sociables que d’autres et attirent presque instantanément la sympathie des autres enfants. Outre cette prédisposition biologique, les parents doivent apprendre très tôt à décoder les gestes et mimiques du bébé afin de mieux répondre à ses besoins. Le respect de ses besoins encourage l’enfant à s’ouvrir aux autres et à développer des habiletés sociales. D’après les travaux des chercheurs Desbiens et Provost (1990), la qualité du lien d’attachement de l’enfant à ses parents garantit une bonne sociabilité, car il donne à l’enfant la confiance nécessaire pour établir de bonnes relations avec les autres. Et si l’enfant a la chance d’entretenir des liens sécurisants avec plusieurs adultes, alors l’occasion répétée de contacts chaleureux permettra de multiplier ses sources positives de communication. À la garderie, Justin évolue quotidiennement dans un environnement social qui demande des habiletés d’adaptation liées aux divers contextes, développer sa socialisation passe donc par le développement de son autonomie. Et c’est là que le processus se complexifie et qu’il faut réellement développer des outils et des stratégies efficaces pour intégrer simplement ses habiletés.
Que ce soit à la maison ou à la garderie, on doit par exemple responsabiliser l’enfant pour que le jeu soit un réel terreau d’apprentissage. La règle est de jouer en respectant les autres. À 5 ans, Justin peut comprendre les consignes et on doit lui laisser la responsabilité de décider quand il est prêt à retourner à son activité, ce qui lui permet d’intérioriser le contrôle. Par exemple, on peut lui dire : « Quand tu seras sûr de pouvoir garder le sable par terre, dis-le-moi, et tu pourras alors retourner jouer. » Au lieu de susciter chez l’enfant des sentiments d’anxiété et de rejet, une discipline efficace, axée sur la responsabilisation de soi augmente son sentiment de confiance au monde qui l’entoure. Ayant développé une bonne autonomie et donc un bon contrôle de lui-même, Justin pourra progressivement établir de bonnes relations avec les autres et ainsi développer une conscience de soi positive, et ce, dans le respect des valeurs et des coutumes qui lui sont propres.
Évidemment, dans chaque famille et chaque milieu éducatif, il existe des conflits et des chicanes. Bon nombre d’adultes apprécient tellement la tranquillité qu’ils voudraient à tout prix éviter les disputes. Toutefois, les celles-ci sont pour les enfants une façon d’exprimer des besoins d’attention et d’amour de l’adulte. C’est aussi un comportement d’autoprotection devant la frustration. Ce comportement lui permet en fait de s’affirmer, sans toutefois posséder la maturité psychologique. En fait, il lui permet de montrer qu’il a peur ou qu’il souhaite davantage d’attention. L’enfant a besoin de l’adulte pour développer ses habiletés et, en situation de stress ou d’angoisse, il est possible que des ajustements simples améliorent la situation : rassurer tout d’abord l’enfant et ensuite intervenir sur les symptômes en cherchant à dépister la source du problème. Par exemple, après une situation de conflit, Justin est très sensible à la réaction de ses parents et de ses éducateurs. Selon la réaction de ces derniers, il verra le conflit de façon positive ou négative en ce qui concerne sa conception de lui-même. La capacité, pour les parents et éducateurs, d’aider avec sensibilité Justin dans l’acquisition des habiletés sociales est tout un art, dans la mesure où cela passe par la façon efficace de gérer les conflits, de satisfaire ses besoins, de composer avec la frustration, et cela, dans le respect des différences individuelles.
Le grand défi de l’éducation est de rendre l’homme libre, parce que l’éducation est un outil pour aider l’enfant à vivre harmonieusement dans la société, dans le respect des règles et des membres de cette société. Les parents, les enseignants, les éducateurs et les auteurs pour enfants ont un grand rôle à jouer dans cette mission de répondre aux besoins de l’enfant et de l’aider à découvrir qui il est (« Qui suis-je ? ») par le développement de ses compétences et habiletés. La socialisation chez l’enfant est au cœur même de la construction de son identité, laquelle s’élabore, se bonifie et se raffine toute la vie durant. Lorsque Justin découvre qu’il est capable de socialiser, de régler des conflits et d’apprendre de nouvelles choses, il est heureux, car il se sent fier et confiant. Ce rôle éducatif, qu’il soit joué à la maison, à la garderie ou ensuite à l’école, pave la voie à l’estime que Justin aura de lui-même et qui sera le socle de son identité. L’estime de soi est tellement importante qu’on ne répétera jamais assez combien l’engagement affectif qu’il faut déployer auprès des tout- petits est crucial, en ce sens qu’il constitue une conscience morale qui permettra à l’enfant d’agir pour son propre bien-être et celui de ceux qui l’entourent.