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Anik RouthierSaviez-vous que l’année 2020 était l’année internationale des sages-femmes et du personnel infirmier selon l’OMS, et celle de la santé des végétaux selon les Nations unies ? Si nous avons végété à la maison plus que d’habitude en 2020, confinement oblige, moi j’aurais envie de désigner l’année 2020 comme celle de la résilience. En effet, aucune année n’a autant, je crois, ébranlé la population mondiale en incitant tout un chacun à redéfinir son mode de vie, ses repères et ce qu’il tenait jusqu’alors pour acquis.
Quand verrons-nous le bout du tunnel ? Vivrons-nous d’autres chamboulements sociétaux de ce genre ? Quel avenir attend nos enfants, à travers les potentielles crises que sont les pandémies, les catastrophes écologiques, les crashs économiques et j’en passe ? Quel que soit le futur qui se dessine, à petite comme à grande échelle, une chose reste certaine : la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Elle est parsemée d’écueils, d’échecs, d’imprévus, de changements… Plus je vieillis, plus je constate que malgré mes nombreux élans de planification, la vie se fait un malin plaisir de défaire mes scénarios. C’est bon, je ne lui en veux pas. Après tout, ce sont souvent les surprises de la vie qui se révèlent les éléments les plus intéressants de nos parcours. Cela dit, il importe de savoir réagir positivement à l’insécurité, aux changements et aux bouleversements de la vie, et de savoir continuer ou se relever malgré l’adversité. C’est ce que l’on appelle la résilience. Et cela ne s’apprend pas à 40 ans, mais bien tout au long de la vie, dès l’enfance. Mais comment faire pour aider nos enfants à développer cette qualité essentielle dans la vie ? Cet article fournit quelques astuces à cet égard.
Un atout essentiel : une relation sécurisante avec le parent
À la base, les enfants élevés dans un milieu familial sain et sécurisant ont davantage de chance de devenir des individus résilients. En outre, la résilience du parent influencera celle de l’enfant. Votre enfant se développe en étudiant votre réaction aux aléas de la vie, entre autres, par le biais des neurones miroirs du cerveau. Celles-ci apprennent tout simplement « en regardant », en copiant ce qu’elles voient, tel un miroir. Cela explique pourquoi vous vous étonnez sûrement de voir vos enfants reproduire à la perfection certains de vos comportements, de vos manières de parler, de vos gestes, etc. Ainsi, portez une attention particulière à votre façon de répondre aux problèmes, car vos enfants, aussi petits soient-ils, vous observent continuellement.
Apprendre à vivre avec des limites
L’un des principaux défis de la vie est d’en subir les limites. Et, vous le constatez, elles sont nombreuses ! Les règles et les obligations sont légion, et de nouvelles limites peuvent apparaître du jour au lendemain. On n’a qu’à penser au port obligatoire du masque. Ainsi, une des façons de soutenir votre enfant dans le développement de sa résilience s’avère tout simplement de lui fixer des limites claires, pour qu’il apprenne à accepter celles-ci sainement.
Certains parents craignent de brimer leur enfant en leur imposant de telles limites, ou de perdre du capital affectif, mais les limites sécurisent l’enfant et l’aident à s’adapter, petit à petit, au fait que la vie se situe toujours dans un cadre, qu’on le veuille ou non. Prenez le temps de déterminer le cadre familial dans lequel votre enfant évolue, et de le réajuster ou de le réévaluer au fur et à mesure que l’enfant grandit, puis tenez-vous-en à cela.
Pas facile de rester cohérent et de répéter les règles en restant calme ou confiant ? Si vous avez peur de flancher, je vous donne le truc de l’eau de Javel. Ce produit bien utile pour blanchir la lessive est très toxique. Vous ne laisseriez pas votre enfant en prendre ne serait-ce qu’une gorgée, n’est-ce pas ? Et s’il insistait pour y goûter, que feriez-vous ? Vous continueriez de refuser, car vous savez pertinemment que c’est dangereux. Vous seriez probablement en mesure de lui dire calmement, car vous demeureriez inflexible dans votre esprit. Faites la même chose avec toutes les règles de base que vous avez choisies pour élever votre enfant (heure de coucher, alimentation, etc.). Gardez cette saine inflexibilité, et lorsque votre enfant veut dépasser la limite, répondez-lui comme s’il vous demandait de boire de l’eau de Javel : non, c’est non. Ce n’est pas négociable, c’est ainsi, inutile de s’insurger. Cette manière d’agir aidera votre enfant à devenir résilient.
Cela dit, je tiens à préciser qu’accepter les limites ne veut pas dire être un mouton, mais plutôt avoir le sens critique pour distinguer quelles sont les limites saines pour la société, pour vous ou vos enfants, et celles qui n’ont pas leur raison d’être ou valent la peine d’être remises en question. Alors que votre enfant grandira, votre manière d’ajuster les règles ou de les réévaluer l’amènera à comprendre ce concept. En outre, briser les règles de temps à autre, à la demande de votre enfant, peut aussi lui apprendre à faire preuve de flexibilité dans la vie. Les normes ne doivent pas toujours passer au premier plan, mais elles ont leur raison d’être. Il faut donc trouver le juste équilibre.
Par exemple, depuis leur 3e année du primaire, je permets à mes enfants de prendre une journée de congé par année, à un moment de leur choix (sauf s’il y a des évaluations, bien sûr). Je le fais aussi, en m’octroyant un ou quelques « congés préventifs », alors que je ne suis pas malade. J’adore ces congés, c’est en outre grâce à eux que je ne m’absente jamais du boulot pour cause de maladie, puisqu’ils m’aident à garder la forme. Mes enfants ont aussi beaucoup de plaisir à prendre le leur, ce qui leur permet d’écouter leurs envies, mais aussi d’apprendre à les gérer, car en choisissant un congé en septembre, le reste de l’année est long ! Ils exercent ainsi une certaine maîtrise sur leur vie, ce qui s’avère d’ailleurs le prochain élément à considérer pour favoriser la résilience.
La maîtrise de sa propre vie
Le fait d’exercer un contrôle sur sa propre vie revêt une importance capitale pour tout être humain, dont les enfants. Tout jeunes, lors du fameux terrible two, ils commencent à souhaiter influencer leur vie. C’est donc à vous, comme parent, de décider dans quels contextes vous les laisserez faire. Par exemple, vous pourrez leur permettre de choisir leurs vêtements (parmi deux choix présélectionnés par vous, si vous craignez que leur sens de la mode ne soit pas assez affûté ; ), ou même donner libre cours à d’amusantes lubies, comme le fait, de temps à autre, de les autoriser à manger le dessert avant le repas ou comme collation d’après-midi, plutôt que de le consommer tout juste après l’assiette principale.
Ce ne sont là que de simples exemples, mais vous pouvez établir cette règle interne pour aider vos enfants à prendre le contrôle de leur vie : autorisez-les à décider de ce qui n’influence pas leur santé et leur sécurité et de ce qui ne change rien dans votre vie. Bref, adoptez la philosophie « vivre et laisser vivre » quand cela n’a pas d’incidence négative sur votre enfant et sur vous. Votre enfant comprendra qu’il peut donc faire des choix, mais pas tout le temps. Comme dans la vraie vie !
La maîtrise des émotions
Cet aspect joue un rôle majeur dans le développement de la résilience, qui est en quelque sorte la capacité à réagir aux chocs. Si la frustration, la colère et la déception sont des réactions normales à tout traumatisme (dans le sens large du terme, car un petit à qui on a refusé une crème glacée vit, selon lui, un traumatisme ??), il faut aussi que l’enfant soit en mesure de maîtriser ces fameuses émotions. Prenez note : maîtriser ses émotions n’équivaut pas à ne pas en vivre ni à être insensible, mais plutôt à les accepter et à les gérer pour qu’elles puissent s’estomper sainement. Le jeune doit réaliser que les émotions sont passagères. En effet, si elles ne sont pas alimentées, elles disparaissent en principe après quelque 90 secondes.
Il existe une manière très simple d’aider votre enfant à maîtriser ses émotions : les reconnaître ! Donc, devant un enfant en colère, plutôt que de dire : « Calme-toi, ce n’est pas grave ! », reflétez seulement ce que l’enfant vit : « Je vois que tu es très fâché », sans lui donner raison ou tort. Après tout, personne ne peut « juger » d’une émotion, et ce qui est dramatique pour quelqu’un ne l’est pas forcément pour une autre personne. Pensez simplement au concept de ponctualité : certains seront très offusqués d’attendre quelques minutes après un retardataire, alors que d’autres ne s’en formaliseront même pas. Qui détient la vérité ? Personne, car chacun a une perception valable selon lui. En reconnaissant ce que l’enfant vit, vous lui permettez de mettre fin à son message émotif (p. ex. : l’expression de sa colère), car vous lui signifiez que vous l’avez compris. Tentez le même exercice avec des adultes, vous verrez que cela désamorce efficacement les trop-pleins d’émotions !
La créativité et la résolution de problèmes
Lorsque survient un problème dans la vie de votre enfant, développez le réflexe parental de ne pas le régler à sa place. Qu’il s’agisse pour un poupon d’arriver à attraper un objet, pour un petit de quatre ans de régler un conflit au parc ou pour une jeune du primaire de trouver un moment dans son horaire pour effectuer un projet scolaire, placez-vous d’abord en mode « observation », et n’offrez du soutien que si votre enfant le demande, ou s’il est en fâcheuse posture.
Et encore là, votre premier niveau de soutien pourrait se constituer de lui demander ceci : « Comment penses-tu pouvoir y arriver ? » Les questions qui débutent par « comment » amène forcément l’enfant à réfléchir à une solution (alors que les « pourquoi » ne se centrent que sur la raison, ce qui n’avance pas nécessairement à quelque chose ; de toute manière, votre enfant a tellement dû vous poser de questions commençant par « pourquoi » que vous êtes probablement allergique à ce mot).
En résumé
Un cadre familial sécurisant, des limites claires, mais pouvant ponctuellement être dépassées, une liberté d’action à certains égards et des émotions reconnues et maîtrisées, voilà des éléments qui pourront influencer positivement le développement de la résilience chez votre enfant. En outre, n’hésitez pas à faire preuve de flexibilité, de souplesse et d’adaptation devant eux, tout en les invitant à faire de même lorsque des occasions se présentent. Vos enfants seront ainsi mieux préparés aux aléas de la vie.
Anik Routhier
Enseignante en Techniques d’Éducation à l’enfance