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Marianne DufourÉtant donné le défi que représentait, pendant les séries éliminatoires, le fait de mettre au lit les plus jeunes partisans des Canadiens, on m’a récemment demandé comment « contrer cette opposition » afin de favoriser l’étude et le repos propices à la réussite scolaire. Excellente question permettant de faire ressortir d’importantes nuances !
par Marianne Dufour, M.A. psychothérapeute, art-thérapeute et auteure chez Midi Trente
D’abord, qu’est-ce que « l’opposition » ?
Quand on parle de « disposition à l’opposition », on ne parle pas d’une situation spécifique, mais d’une réaction de refus presque généralisée à toutes les situations. Cela peut provenir de diverses sources. On peut voir des comportements récurrents d’opposition autant chez des enfants doués que chez des enfants traumatisés, des enfants neurodivergents (présentant un trouble du spectre de l’autisme, par exemple) ou des enfants qui ont pris ce pli relationnel dans leur milieu familial (et j’en oublie probablement…). Selon la configuration et le sens de l’opposition, on abordera ce « symptôme » différemment. Mon dernier livre, Marco Tête-de-Bouc et les rails rouges, met en scène le personnage de Marco, qui a une rigidité de la pensée et des comportements que j’ai situé dans une paresse des fonctions exécutives, celles qui permettent de réfléchir, d’apporter une solution, de s’adapter. Dit plus simplement, mon Marco a le frein collé un peu par défaut !
Par contraste, l’écrasante majorité des enfants qui refusent ou résistent à la consigne d’aller se coucher ou de faire leurs devoirs ne sont pas « opposants » au sens clinique : ils expriment un besoin qui compte pour eux. Dans le cas du hockey ou d’une autre tentation, par exemple, un besoin de légèreté, de plaisir. Le besoin que la texture du quotidien, et tout le stress associé aux efforts herculéens qu’on leur a demandés en termes d’adaptabilité aux contraintes, fasse momentanément relâche. Un besoin de se rallier, de vivre un « ensemble » avec leur famille, leur équipe et tout le Québec.
Et lors de ces confrontations de priorités, qui s’oppose à qui ? Est-ce que les enfants s’opposent à une consigne qui tombe mal ou les parents s’opposent à un besoin fondamentalement valide ? Inutile de chercher un fautif : disons simplement que deux préoccupations ne s’arriment pas.
Le contraire de l’opposition n’est pas la docilité, mais la créativité
Que l’on soit adulte ou enfant, le manque d’imagination et la rigidité sont similaires, et ce, autant dans l’opposition que dans la docilité. On ne veut pas faire d’un enfant opposant un enfant docile, mais un enfant capable d’élan, d’engagement et de créativité. Aussi, cette flexibilité que l’on interpelle chez les enfants doit-elle trouver son inspiration chez les adultes.
Bref, l’issue ne se situe pas dans le « comment conquérir l’opposition », mais dans le « comment réconcilier de manière créative les besoins en cause » : comment À LA FOIS réussir à regarder le hockey ET être prêt pour l’école, avoir étudié, fait les devoirs et dormi ou récupéré sans accumuler de fatigue. À vous de faire aller votre machine à idées !
Si on travaille si fort à s’adapter aux difficultés, pourquoi ne mettrions-nous pas au moins autant de gymnastique à s’adapter aux opportunités de joie ?
Quant à l’argument de la rigueur scolaire, si vous me permettez de caricaturer un brin, à mes yeux il y a deux approches à l’apprentissage de l’engagement : une qui prône qu’on s’y astreigne religieusement, en se contraignant à suivre des routines et des contraintes rigides; l’autre qui préfère qu’on la laisse respirer et se renouveler comme l’air d’un poumon, en l’alimentant de liberté pour gérer la productivité au gré des variables autant externes (la nécessité d’étudier pour un examen, par exemple) qu’internes (l’énergie disponible). Si les deux approches peuvent donner de bonnes performances académiques, la seconde est probablement plus agréable que la première, quoique cela dépende des personnalités. Elle est aussi plus propice à la gestion complexe et multifactorielle de la vie adulte. Se pousser avec une rigidité excessive peut nuire au développement psychologique de la personne qui n’apprend pas à être attentive à ses signaux internes. Savoir se faire plaisir et profiter des opportunités pour remplir sa bonbonne n’est pas une entrave au succès scolaire, mais une compétence à développer pour passer à travers des études avancées ou des emplois très exigeants sans friser l’épuisement !
Aussi, ne soyez pas trop rapides à détecter de l’opposition chez vos enfants et encore moins à demander la docilité. Même si dans mon livre j’encourage les enfants qui ont chroniquement le « piton collé » à expérimenter la collaboration « juste pour voir » si ça peut être agréable et payant, comme parents je vous encourage à ce que votre premier réflexe soit de chercher à donner des consignes claires, concrètes, mais aussi sensibles et, au besoin, flexibles. Soyez attentifs et empathiques à ce que votre enfant est en train de faire, de dire et ’aux besoins qu’il exprime. En vous assurant de donner des consignes qui prennent en compte la disponibilité émotionnelle de votre enfant, vous augmenterez vos chances de l’aider à s’aligner sur ses rails verts (la collaboration) plutôt que sur ses rails rouges (l’opposition).
Texte : Marianne Dufour, M.A. psychothérapeute, art-thérapeute et auteure chez Midi Trente.