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Anik RouthierDepuis 18 ans, je suis mère. Depuis 10 ans, je relate des bribes de ma vie familiale dans Montréal pour enfants… Quand j’y songe, ça devrait s’appeler Montréal pour parents, car l’objectif de la revue, et mon but pendant toutes ces années a toujours été d’aider les parents, pour le bien des enfants. Je vais donc donner ici mon ultime coup de pouce maternel, car comme mes trois enfants sont maintenant des adolescents ou jeunes adultes, j’ai le sentiment qu’il est temps pour ma plume de prendre sa retraite. Cet article se voudra donc, en quelque sorte, une rétrospective de mes meilleurs moments de mère, ou du moins, un regard sur les astuces qui ont eu le plus d’impact sur ce parcours plein de défis qu’est la parentalité.
Se recharger : les JSO et les soirées fantômes
Étonnamment, la stratégie la plus marquante de ma « carrière » de maman en lien avec mon énergie. Pour moi, être mère de famille, c’est d’abord et avant tout préserver l’énergie nécessaire pour assumer l’ampleur de la tâche. C’est ainsi que, depuis des années, j’ai instauré certaines traditions incontournables pour garantir la recharge de mes batteries sur une base régulière et non négociable.
Le premier concept que j’ai mis en place remonte à plus de 15 ans. À l’époque, j’avais trois enfants en bas âge et je ressentais le besoin de me reposer, mais aussi d’être parfois non sollicitée. Je n’ai nullement à vous convaincre, j’en suis sûre, qu’avoir trois enfants est très exigeant : dans ce contexte, un moment de répit sans multiples requêtes ou tâches s’avère salutaire, voire une question de survie. C’est de ce constat que sont nées les soirées fantômes. L’idée était d’une simplicité désarmante : pendant la soirée, je devenais un fantôme. J’étais donc dans la maison, mais « invisible » pour les enfants, qui devaient se référer à Papa pour toute demande. Par conséquent, je pouvais relaxer chez moi, à ma guise.
Le père de mes enfants disposait aussi de sa soirée, mais lui disparaissait réellement de la maison en allant au cinéma ou jouer à des jeux de société avec ses amis. Je pouvais alors gérer, comme je l’entendais, ma petite routine de souper en solitaire ces soirs-là (je me faisais de la fondue au fromage, comme mes enfants détestaient cela et que ça se préparait en un rien de temps, je la dégustais devant la télévision, sans devoir réfléchir à quoi que ce soit).
J’ai étendu le concept quand les enfants sont devenus un peu plus vieux, en créant les JSO : Journées Sans Obligation. C’est ainsi que deux fois par mois, j’avais une journée où je ne faisais que ce qui me tentait. La monoparentalité a contribué à l’élaboration du concept, puisque je n’avais pas mes enfants et que je pouvais vraiment faire ce que JE voulais. Toutefois, dans une situation de couple, s’accorder une telle journée demeure aussi possible et même potentiellement plus facile, puisque chacun peut avoir la « garde » à la maison, en alternance. Croyez-moi, cela constitue une manière ultra efficace de rehausser l’énergie.
Un atout majeur pour les enfants et vous : l’autonomie
Cette valeur a été au cœur de mon héritage de mère. Depuis que mes enfants sont très petits, je leur ai enseigné à faire eux-mêmes les choses, à se débrouiller, à se faire confiance. Ils ont fait une partie de leurs lunchs dès la maternelle, ils ont appris à cuisiner, ils se sont gardés alors que j’allais pratiquer un sport ou que je travaillais de soir. Ils ont géré leurs matins alors que j’étais partie au travail. Ils ont établi leur méthode de travail pour les devoirs. Bref, ils ont été impliqués dans la gestion de leur quotidien, et ce, à un âge plus précoce que la majorité des enfants, si je me fie à mon entourage.
Évidemment, le fait que je suis mère monoparentale a accentué la présence (voire la nécessité) de cette valeur dans ma vie, car l’autonomie des enfants était aidante. Cela dit, je demeure très satisfaite de percevoir les résultats chez mes enfants. Quand j’observe mon aîné qui est maintenant en appartement à Jonquière, je réalise à quel point il se débrouille bien et ça me rend fière de lui.
Il est certain qu’à la base, prôner l’autonomie génère son lot d’efforts, puisqu’il faut encadrer l’enfant et être patient. En effet, l’apprentissage des petits prend du temps, et faire soi-même irait plus vite à court terme. Il faut cependant résister à la tentation. Il importe aussi de réaliser que tout faire pour l’enfant est un cadeau empoisonné qui empêche l’enfant de prendre ses responsabilités, ce dont il a besoin pour grandir.
Équilibre entre cadre et liberté = harmonie garantie
Mes enfants ont 13, 15 et 18 ans. Pour l’instant, je n’ai pas vécu de crises d’adolescence. Chance ? Je crois que j’ai jusqu’alors évité cela en mariant savamment la liberté et l’encadrement de mes enfants. Ils ont toujours compris très clairement ce qui n’est pas acceptable, mais savent aussi que leur « zone de jeu » demeure assez grande. En effet, j’ai peu de batailles, mais je les mène à fond avec une constance et une cohérence inébranlables.
Ce sont les premières années des enfants qui ont été les plus exigeantes à cet égard, c’est pourquoi je ne peux que vous encourager à établir clairement vos limites (et les conséquences qui surviendront si elles sont dépassées) et à vous montrer constant et cohérent dès que les enfants naissent. Cette attitude vous assurera des années de paix une fois que vos chérubins grandiront. De mon côté, je ne sais même plus à quand remonte la dernière fois où j’ai donné des consignes ou des conséquences. Tout est intégré dans une harmonie paisible, au prix d’efforts faits il y a plusieurs années.
Mini-moi : l’importance du modèle
En vieillissant, les enfants m’ont fait réaliser quelque chose que je croyais plus ou moins : ils ont copié plusieurs de mes comportements sans même que j’ai eu à insister. Par exemple, je suis une personne très organisée et très ponctuelle. Ma gestion du temps frise la folie, je dois l’admettre. J’estime avec aisance combien de temps prennent les tâches, j’utilise les minuteurs pour m’aider à ne rien oublier, mon agenda est littéralement mon meilleur ami, je prévois d’avance à quel moment je vais faire chacune de mes tâches… Bref, je m’organise jusqu’aux moindres détails.
Consciente de la façon un peu (haha!) extrême dont je gère mon temps, je n’ai jamais insisté pour que mes enfants s’organisent, mais par eux-mêmes, ils ont reproduit plusieurs de mes stratégies. C’est ainsi que chacun a mis en place sa routine, gère son temps, ses tâches et ses allées et venues sans que j’aie besoin de dire quoi que ce soit. Personne ne rate l’autobus scolaire (jamais !) et on part à l’heure prévue quand on sort.
Bref, mes enfants ont imité certaines de mes manières d’être, et les vôtres feront de même. Alors, gardez en tête l’importance du modèle que vous êtes.
Tester : un incontournable
Ce qui a fonctionné pour moi ne deviendra peut-être pas la recette idéale pour vous. Pendant des années, j’ai testé mille et une stratégies, des plus loufoques aux plus sérieuses, et c’est ainsi que j’ai découvert ce qui générait les meilleurs résultats pour mes enfants et moi. J’ai choisi quelques actions gagnantes, qui perdurent depuis des années et dont je récolte les fruits. Mon héritage de mère n’est pas si large, mais les éléments sur lesquels j’ai choisi de porter mon attention sont clairement ancrés chez mes enfants et moi. Si mes quelques conseils peuvent vous aider à déterminer vos actions incontournables, tant mieux. Sinon, continuez de procéder à des essais et d’en observer les impacts pour bâtir votre identité de parent, car elle est directement reliée à ce que deviendront vos enfants.
Anik Routhier
Enseignante en Techniques d’Éducation à l’enfance