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Nancy Leith« On ne peut que donner deux choses à ses enfants : des racines et des ailes » Proverbe juif
Des racines, qui leur permettront de se sentir solides, aimés, de se faire confiance et d’assumer leur identité, et des ailes, c’est-à-dire la capacité de développer des outils pour s’affirmer, évoluer, être créatifs et s’épanouir pleinement[1].
Ce proverbe ancien est une mine de conseils contemporains judicieux pour tous les parents aimants. Il va sans dire qu’il est de notre devoir et de notre responsabilité de protéger nos enfants, et qu’aucun d’entre nous ne compte les heures consacrées intensément à cette activité parentale au cours des deux dernières années.
D’un point de vue positif, nous avons redécouvert la valeur inestimable de la famille, de ce cocon protecteur et exclusif qui a fixé l’identité de notre cercle nucléaire ou recomposé. Ces liens de cœur et de sang ont retrouvé la place constitutive qui leur revient.
Pour nos enfants, nous avons été présents à tous moments, ici pour s’assurer que les contacts étaient limités, là qu’ils étaient à l’abri de tout risque de contamination, toujours, prenant des décisions parfois draconiennes, mais vitales, pour protéger la santé de nos enfants. Au cours de cette période angoissante, nous avons endossé tous les rôles : celui du parent, du professeur, de l’éducateur, du soignant, de l’ami d’école, du pédagogue, de l’organisateur de loisirs, alouette.
Nous avons été ces légendaires parents-hélicoptères qui surprotègent leur enfant. En bref, le parent-hélicoptère s’inquiète excessivement pour son enfant et a une tendance à le préserver dans une boule de cristal pour lui éviter tout désagrément ou toute conséquence fâcheuse. Ce modèle parental était un mal nécessaire dans le contexte, une question de survie individuelle, familiale et collective. Cependant, poursuivre plus que de raison ce schéma peut causer un tort permanent à l’enfant. Ironiquement, des études prouvent que ces enfants et adolescents, même une fois devenus adultes, présentent un système immunitaire affaibli et des problèmes de confiance en soi les rendant plus fragiles à la maladie et susceptibles de développer des problèmes de santé mentale[2].
Malgré tout, ou grâce à ce repli c’est selon, l’adaptation des jeunes durant la pandémie a été impressionnante ; ce sont eux qui s’y sont conformés le plus aisément. Une fois les explications et consignes offertes, une fois le bon exemple et la mise en pratique démontrés, ils étaient impatients de retrouver leurs pairs, amis de classe, camarades sportifs ou de jardins d’enfants avec l’enthousiasme et l’optimisme de leur jeunesse. Nous leur avons fourni les racines dont ils avaient besoin pour se sentir solides face à l’adversité, et ils étaient bien enracinés dans un réseau familial leur fournissant tout ce dont ils avaient besoin pour continuer à croître dans un climat un peu plus austère que planifié.
Maintenant que tout cela est derrière nous, il serait dommage que nous compromettions cette évolution pour rester repliés sur nous-mêmes. Afin de consolider ce vécu collectif, il est impératif de réapprendre à s’ouvrir à l’autre en toute confiance et de faire éclater cette enveloppe protectrice de la bulle familiale, certes rassurante, mais un peu étouffante.
Il faut laisser place maintenant à la deuxième composante de notre rôle capital – donner des ailes à nos enfants. Leur laisser l’espace de les déployer, de prendre leur envol et de s’ouvrir aux autres. Les exposer à plusieurs expériences aussi essentielles à leur développement. Plus que jamais, notre mission est de leur fournir toute la place pour grandir et la possibilité de poursuivre la construction de leur identité sociale. Il y a du retard à rattraper, mais la nature fera bien les choses. Leurs petites pousses sont bien ancrées.
Nous leur avons offert des valeurs, un guide moral et une méthode de raisonnement logique pour mieux comprendre les événements : il est l’heure de leur accorder notre confiance et de valoriser leurs capacités de réflexion et d’adaptation. C’est le printemps, il est temps d’ouvrir grand les fenêtres, de reprendre les activités et, surtout, de socialiser sans complexes. Nous avons tous rencontré des défis inédits durant cette période. Saurons-nous relever celui de nous ouvrir à l’autre alors que nous en avons pleinement la possibilité ? Désormais, il faut adopter la saine approche du parent-phare, celui qui est là pour guider, accompagner, conseiller et protéger en gardant une distance appropriée selon l’âge. On fait beaucoup état de la liesse entourant l’ouverture des commerces, des restaurants et des cinémas. Tout cela est dérisoire à l’âge des jeunes enfants et des adolescents : ce sont les amis qui les construisent et les définissent. Favorisons leur socialisation.
Laissons de côté les conflits et les polémiques qui ont peut-être compromis nos relations avec les autres, conséquences du climat social plombé par l’incertitude. Il serait dommage de ne pas nous pardonner les moments où nous avons manqué d’empathie ou de compréhension, alors que nous étions enfermés dans notre inquiétude et parfois dépassés par les événements. Faisons un trait sur les frictions passées et levons la main pour saluer le voisin, sourions à cet homme âgé qui reprend ses marches quotidiennes, invitons les camarades de classe à la maison. Parlons-nous. Apprivoisons de nouveau le vivre-ensemble. Il ne faudrait pas oublier qu’au-delà de la famille, nous avons tous un impact sur le développement social de l’enfant et sa perspective sur le monde.
Célébrons ensemble l’allégresse de ce retour à une vie en communauté, à l’air libre, en toute harmonie.
[1] Dico des citations
[2] CTREQ. (2019). La nature de l’encadrement des parents hélicoptères et ses effets à long terme sur leurs enfants. Repéré à rire.ctreq.qc.ca/encadrement-des-parents-helicopteres
PHOTO : Gabriel Baranski