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Agathe Tupula KabolaOrthophoniste et directrice générale à la Clinique multithérapie Proaction
www.cliniqueproaction.com
Q : Ma petite Léa, âgée de 5 ans, fréquente présentement une garderie à temps plein. Tous les jours, lorsque je lui demande de me raconter sa journée, elle répond « j’ai joué! », sans plus de détails. Dans toutes les situations où on lui demande de raconter, décrire ou expliquer, qu’il s’agisse d’un spectacle vu à la garderie, d’une activité spéciale réalisée en famille ou d’un conte lu avant le coucher, elle répond de façon expéditive. Son éducatrice me rapporte qu’il en est de même à la garderie lors des causeries. Que puis-je faire pour l’amener à élaborer davantage ? J’aimerais savoir ce que fait ma fille de ses journées, surtout qu’elle fera son entrée à la maternelle en septembre !
R : Voilà une question qui va sûrement susciter l’intérêt d’autres parents ! Amener notre enfant à nous raconter sa journée n’est pas toujours une tâche facile. En effet, pouvoir raconter un fait vécu ou une histoire est une fonction langagière complexe, qui fait appel au vocabulaire, à l’accès à l’information en mémoire, à l’organisation des idées... Les habiletés narratives valent la peine qu’on s’y attarde, puisqu’elles sont impliquées dans bon nombre de tâches académiques, que l’on pense aux exposés oraux, compositions de texte, etc.
Pour aider votre enfant à raconter, élaborer et participer aux causeries, vous pouvez :
Lui faire raconter régulièrement de petits événements vécus durant la journée à la garderie, à l’école ou à la maison. Lorsqu’elle le fait, posez-lui quelques questions pour qu’elle ajoute les éléments manquants et nécessaires à votre compréhension (Ex. : Tu as joué à quoi ? Avec qui ?). Par la suite, reprenez le récit en entier pour lui donner un bon modèle (ex : J’ai joué avec Luka aux trains).
Évitez de poser des questions trop vagues à votre enfant (ex. : Qu’est-ce que tu as fait hier ? Pourquoi as-tu aimé l’activité ?). Privilégiez les questions ciblées de type fermé (ex. : Où es-tu allée ? Qui était là ?). Les questions courtes et directes aident l’enfant à mieux comprendre le message. La conversation peut se prolonger assez longtemps lorsque les questions sont bien adaptées au niveau de l’enfant.
Ex. :
Parent : « Qu’est-ce qui s’est passé quand on est allés au zoo ? »
Enfant : Pas de réponse (la question est trop vaste)
Parent : « Quels animaux as-tu vus ? »
Enfant : « Des lions, des singes... »
Parent : « Ah, des singes ! Qu’as-tu donné à manger au singe ? »
Etc.
- Laissez le temps à votre enfant d’évoquer ses idées, trouver ses mots et les prononcer. Ne craignez pas les moments de silence et laissez place aux commentaires en dosant la quantité de questions.
- Quand une question est trop difficile, proposez un choix de réponses (ex. : Vous êtes allés au parc ou vous êtes restés à la garderie ? T’es-tu balancée ou as-tu glissé ?).
- Utilisez un support visuel afin de représenter les informations pertinentes à donner lorsqu’on veut raconter un événement (Qui ? Où ? Que fait ?). Par exemple, pour rappeler à votre enfant qu’il doit vous mentionner l’endroit où s’est déroulé l’événement, vous pourriez prendre une feuille et y coller les images d’une maison, d’un parc ou autre).
- Ramenez votre enfant dans le sujet lorsqu’elle s’en éloigne : « Je comprends que ça te fait penser à beaucoup de choses, mais là on parlait de l’anniversaire de ton frère. Est-ce que tu as d’autres choses à dire sur ce qu’on a fait pour sa fête ? Plus tard tu pourras me parler de... »)
- Félicitez votre enfant pour tous ses petits progrès et ses tentatives. Vos encouragements l’inciteront à poursuivre ses efforts pour tenter de communiquer avec vous.
- Avec un enfant d’âge scolaire, il peut être utile d’utiliser un calendrier pour qu’il se situe dans le temps lorsqu’on utilise les mots « demain, hier, en fin de semaine, etc. » pour raconter un événement.
Il faut garder en tête qu’il y a des moments plus propices que d’autres pour raconter sa journée. Les enfants n’ont pas toujours envie d’en parler dès leur retour. Ils choisiront peut-être d’en parler dans leur bain ou encore dans leur lit avant de se coucher. Il est également préférable d’être dans un lieu calme et sans distractions.
Les livres d’histoire demeurent des outils précieux pour stimuler le langage des enfants. Quand vous lisez un livre ou une page, demandez ensuite à votre enfant de raconter dans ses propres mots ce qui vient de se passer, en lui donnant une structure (Qui ? Quoi ? Quand ? Où ?). Servez-vous des images du livre pour faciliter le rappel ou lui poser des questions. Vous pouvez aussi lui suggérer de jouer la scène ou de la mimer. Apprenez-lui les termes « début » et « fin », « en premier » et « en dernier » ainsi qu’« avant » et « après » en lui posant des questions (ex. : Que s’est-il passé après que le loup ait soufflé la maison de paille ?). Avant d’arriver à la conclusion, demandez à votre enfant de prédire ou d’inventer la fin. Une fois la lecture terminée, aidez-le à faire un rappel de récit à l’aide des différents éléments de l’histoire :
- Quand l’histoire se passe-t-elle ?
- Qui sont les héros ou les personnages principaux ?
- Où se déroule l’histoire ?
- Que voulait le personnage ?
- Quel était le problème ?
- Quelle est la solution ?
- Comment se termine l’histoire ?
Par ailleurs, il existe plusieurs jeux sur le marché visant à développer le discours et les habiletés conversationnelles, tels que Nomme-moi et Invente-moi une histoire, aux Éditions Gladius, ou Tell-a-story de Ravensburger.
N’oubliez pas que toutes les idées et tous les sujets de conversation sont bons pour stimuler le discours !
Bonne chance !
Agathe Tupula Kabola, M.P.O., O(C)
Orthophoniste et directrice générale de la Clinique multithérapie Proaction