Le retard de langage en 6 questions

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Date de publication

jeudi 01 septembre, 2016

Si vous êtes parent ou côtoyez des enfants, vous avez sûrement entendu parler du retard de langage. Ou peut-être avez-vous dans votre entourage un enfant ayant un retard de langage? Cette problématique développementale se caractérise par un développement plus lent du langage, en comparaison à d’autres enfants du même âge, entre 2 et 5 ans.Il s’agit d’un des problèmes de développement les plus fréquents chez l’enfant, et les garçons sont les plus touchés.

1)  Quelles sont les manifestations d'un retard de langage?

Les manifestations d’un retard de langage peuvent affecter la formulation des phrases, l’acquisition du vocabulaire, la prononciation de certains sons ou la compréhension verbale des consignes, questions, mots ou concepts. Par exemple, un enfant peut accuser un retard pour dire plusieurs mots courants (p. ex. : maman, papa) et communiquer plutôt par gestes. La compréhension est souvent meilleure que l’expression. De plus, l’évolution du langage est lente, mais normale selon les différents stades de développement, sans trouble majeur de l’organisation du langage. L’enfant a du mal à se faire comprendre, ce qui engendre parfois une certaine frustration et de la colère. 

2)  Quelle est la différence entre un retard et un trouble de langage? 

Le trouble primaire du langage ou dysphasie, contrairement au retard de langage, persiste chez l’enfant au-delà de l’âge de 5 ans, et demeure donc toute la vie. Il affecte de façon variable et hétérogène le développement de plus d’une composante du langage: la compréhension, les sons, les phrases, le vocabulaire, etc. L’enfant peut avoir du mal à se faire comprendre par son entourage, à comprendre des consignes, questions, mots ou concepts (particulièrement les concepts spatio-temporels), à mémoriser des sons et des mots, à formuler des phrases adéquates sur le plan grammatical (p. ex. : style télégraphique, omission des mots grammaticaux), à nommer des objets, etc.  

À l’inverse du retard de langage, la dysphasie coexiste souvent avec d’autres déficiences et subsiste dans le temps malgré l’intervention d’un orthophoniste, bien que des progrès notables soient possibles avec son soutien.  

Le développement du langage en contexte de dysphasie est atypique, en ce sens qu’il ne s’apparente pas à celui d’un enfant plus jeune. Avant de conclure à une dysphasie, l’enfant doit être âgé d’au moins 4 ans, et l’orthophoniste doit s’assurer par des évaluations complémentaires que le trouble est bien primaire, c’est-à-dire qu’il ne découle pas d’une condition concomitante ou d’un autre déficit (p. ex. : déficit sensoriel, déficience intellectuelle). En outre, l’orthophoniste doit constater que les difficultés demeurent malgré l’intervention.  

L’évaluation précoce en orthophonie et le suivi du développement du langage sont des éléments indispensables au diagnostic de la dysphasie et à son diagnostic différentiel avec le retard de langage.  

3)  À quel âge faut-il commencer à s'inquiéter ?

Il est important d’être à l’affût de certains signes évidents que votre enfant a besoin d’une aide professionnelle. Les étapes charnières à surveiller dépendent de l’âge de l’enfant. Même nourrisson, vous pouvez observer si les éléments précurseurs du développement du langage progressent normalement. Par exemple : 

  • à 6 mois, le bébé émet des sons, réagit aux bruits de l’environnement et à la voix, et regarde la personne qui parle ;

  • à 18 mois, l'enfant exprime entre 20 et 50 mots, comprend de petites consignes simples (p. ex. : « Va chercher ton manteau »), et répète des mots ;

  • à 24 mois, l’enfant fait des phrases d’au moins 2 mots, dit au moins 100 mots, aime écouter des petites histoires et des chansons ;

  • à 30 mois, il dit des phrases de 3 mots, répond bien aux questions simples (qui? quoi? où?) et utilise des pronoms et déterminants (moi, un, une, etc.) ;

  • à 5 ans, il parle assez clairement pour que les personnes non familières le comprennent, il peut faire des phrases complexes qui ressemblent à celles de l’adulte et peut raconter une histoire ou un fait vécu en respectant la séquence logique. 

Le parent inquiet pour le développement de son enfant ne devrait pas hésiter à consulter, même si l’entourage dit qu’il va finir par « débloquer » et que ce n’est pas la peine de s’inquiéter. Bien que le retard de langage soit généralement rattrapé avant l’entrée à la maternelle, il est préférable de ne pas attendre que « le temps arrange les choses » et de  consulter un orthophoniste rapidement, car tout problème dans le développement du langage chez un enfant doit être pris au sérieux et évalué adéquatement. Les parents s’inquiètent rarement sans raison et ils demeurent les experts de leurs enfants. Pour savoir quand consulter un orthophoniste et connaître les indices d’un retard ou d’un trouble de langage, vous pouvez vous référer à la toise « Je grandis, je communique » de l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec (OOAQ). 
 

4)  Quelles sont les causes d’un retard de langage? Est-ce que l’environnement familial y est pour quelque chose ou est-ce génétique?

Le retard de langage a une cause neurophysiologique; l’aspect héréditaire joue pour beaucoup et les difficultés sont présentes dès la naissance. Il existe certains facteurs de risque: complications lors de la grossesse ou de l’accouchement, tabagisme, consommation de drogues ou d’alcool, naissance prématurée, antécédents familiaux, etc. Toutefois, il est important de savoir que l’environnement n’est pas en cause, à moins que l’enfant ait été sous-stimulé en étant coupé d’interactions sociales.  
 

5)  Que faire si votre enfant semble présenter un retard de langage ?

Il est important d’en discuter avec le médecin et de consulter un orthophoniste. Pour consulter un orthophoniste dans le secteur privé, nul besoin d’une prescription médicale, mais celle-ci s’avère nécessaire dans le système public de santé (CLSC, hôpital).  

L’orthophoniste procédera à une évaluation, qui lui permettra de déterminer les objectifs à cibler pour améliorer les habiletés langagières de l’enfant, et offrira un suivi. La durée du suivi varie d’un enfant à l’autre selon la sévérité de l’atteinte langagière, allant de quelques semaines à quelques mois, voire des années. Dans tous les cas, les parents sont grandement impliqués, puisque l’orthophoniste leur enseigne des stratégies de stimulation du langage à intégrer dans le quotidien. Ils ne sont pas responsables du retard de langage de leur enfant, mais ils peuvent mettre en action des stratégies, des trucs et des astuces pour aider leur enfant.  

Lors des thérapies, les méthodes d’intervention sont axées sur le jeu, un élément essentiel au développement intellectuel, affectif et social de l’enfant. Le jeu permet d’accroître la motivation et le désir d’apprendre, développe la créativité et la capacité à résoudre des problèmes. Il est primordial de préconiser l’apprentissage par le plaisir!  

6)  À la suite des rencontres avec l’orthophoniste, est-ce que le pronostic de disparition des symptômes est bon ? 

L’intervention précoce est essentielle pour favoriser un meilleur pronostic. Celui-ci est favorable dans le cas du retard de langage, puisque le décalage entre l’enfant et ses pairs sera généralement rattrapé avant l’entrée à l’école. Les apprentissages scolaires doivent quand même être surveillés.

Dans le cas d’un trouble de langage, il restera toute la vie, mais l’individu peut s’améliorer de façon considérable avec un suivi en orthophonie. Certains enfants pourront être scolarisés dans une classe de niveau normal, et d’autres, en classe de langage (classe à effectif réduit avec pédagogie adaptée).  

Les parents, les membres de la famille et les proches sont des alliés de la thérapie. Lorsqu’ils réinvestissent à la maison les objectifs poursuivis en thérapie, les apprentissages se généralisent plus rapidement. Le succès repose sur une pratique régulière. La collaboration des proches est essentielle au succès de la thérapie pour transposer les acquis dans la vie de tous les jours.


Agathe Tupula Kabola, M.P.O., O(C)
Orthophoniste et directrice générale à la Clinique multithérapie Proaction